Voici un disque venu du Nord de la France et qui parle d’une industrie du passé. Mais pas de la mine et du charbon. Non. Car, on l’a peut-être oublié, les corons de la région de Roubaix abritaient aussi les travailleurs du textile et, plus particulièrement, de la laine. Lorsque l’on évoque ce passé glorieux, des noms reviennent immédiatement en mémoire comme Boussac ou, plus familièrement, « La Redoute » et « les 3 Suisses » qui, au départ, vendaient les produits de ces industries textiles ch’ti.
C’est Claude Vadasz, auteur, compositeur, interprète et musicien, qui m’a envoyé ce disque des « Filochards », une aventure musicale dont il est le seul responsable. Il s’agit d’un concept thématique avec des chansons que l’on peut qualifier de sociales. Des morceaux écrits pour ne pas laisser la mémoire s’effilocher et oublier ce qui fut le quotidien de milliers de personnes. La maman de Claude Vadasz fut fileuse à Roubaix à la fin des années 50 et son papa travailla dans les mines. Autant dire que, en matière de lutte sociale, notre homme en connaît les mailles.
Cet album est, au départ, le fruit d’une commande passée par l’association « Travail et Culture » en 2003. Le travail devait porter sur des chansons évoquant le passé de l’industrie textile régionale. Si les chansons devaient être écrites et composées par Claude Vadasz, elles devaient aussi, initialement, être interprétées par divers artistes de la région. Mais, au fil du temps, l’auteur-compositeur s’est rendu compte qu’il devrait bien se résoudre à les interpréter lui-même. Ce qui nous permet aujourd’hui d’apprécier aussi les qualités vocales du chanteur. Mais Claude Vadasz possède aussi une fort jolie plume par laquelle il nous dit s’être attaché à esquisser quelques portraits et histoires plus ou moins ancrés dans la réalité d’aujourd’hui en recréant des personnages contemporains.
La chanson d’ouverture nous propose ainsi de faire connaissance avec « Le Peigneur ». La pratique de ce métier aujourd’hui disparu consistait à rendre la laine plus malléable pour son filage. Le peigneur s’aidait de beurre et d’un peigne chauffé sur la braise pour démêler la matière première lavée et mise en cordons. Au 19e siècle, ce métier était pratiqué par 40 % des ouvriers d’une ville comme Roubaix. La référence à Eddy Mitchell et les Chaussettes Noires (qui étaient « sponsorisées » par les chaussettes « Stem » du coin) est amusante.
L’écoute de l’album se poursuit de manière agréable même si les textes sont parfois graves. Dans une pure tradition de chanson française, les paroles sont ainsi posées sur des mélodies plutôt entraînantes. On peut y entendre « Mon grand-père était fileur comme son père et mon père… je suis chômeur… et mon fils prend des cours chez les dealers ». Un raccourci étonnant qui vaut toutes les études sociologiques. « Les héros » (du monde nouveau) est une très bonne chanson qui peut être retirée du contexte de l’album pour exprimer le ras-le-bol des « simples gens » face aux patrons qui délocalisent, qui restructurent, qui ferment et qui installent leurs châteaux dans des contrées fiscales plus intéressantes.
Vu sous l’angle de l’album concept, on peut se poser la question de la destinée commerciale d’un tel opus hors de sa région d’origine. Pourtant, l’investissement est d’importance car toutes les étapes de la conception de ce disque ont été très soignées. Alors, franchement, suivez mon conseil et achetez le disque pour y découvrir quelques perles comme « La maison », « La manif » et surtout « Avanti » qui n’auront pas besoin d’être replacées dans le contexte de l’album pour retenir votre attention.
Voici des coordonnées qui vous aideront à vous procurer cet album :
Culture & Flonflons Flandres/réseau Vis-à-Vis, 22, Rue de l’Abbé Aerts, 59000 Lille (France). Portable : + 33 (0)6 74 36 51 01. Fixe : + 33 (0)3 20 22 12 59. Courriel : vadasz@flonflons.eu. Site internet : www.flonflons.eu ou www.myspace.com/filochards.